Le problème central est l’homme et en tant « qu’ultime expression de la nature […], signant la paix avec le cosmos, il décide d’en être le roi et non le pillard »

Résultat de recherche d'images pour ""bernard charbonneau""L'ouvrage "Notre Table rase" de Bernard Charbonneau a participé à l'édification de La Ferme des Têtes de Mules : écrit il y a plus de 40 ans, ses intuitions se sont révélées juste quand il accusait le plan Mansholt, les politiques française et européenne, de hâter la destruction de la nature et des paysans sous prétexte de les secourir... 


Agrégé de lettres, instituteur ayant choisi de vivre sobrement dans la campagne gersoise, atterré de voir la direction mortifère que prend l’agriculture depuis la fin de la seconde guerre mondiale, Bernard Charbonneau (1910-1996) écrivit de nombreux ouvrages – pamphlets ! – sur la liquidation de l’agriculture agro-pastorale, de la paysannerie en somme. Il fait partie de ces penseurs auxquels se réfère La Ferme des Têtes de Mules pour fonder son action, et l'auteur de « Notre Table rase » (1974), l’essai qui a aiguisé notre vision de l'Ecologie intégrale, où se mêle rage véhémente contre la politique française et européenne qui mène au pillage de la campagne et à l’urbanisation du pays, mais surtout chant d’amour, « ce chant de la campagne, le chant des fruits de la terre, portés par un terroir, par le travail des hommes : les fruits unissent les hommes ».


En tant qu'observateur paysan-professeur avisé, il nous montre qu’un système autonome, total, d’autoconsommation, c'est-à-dire l’Exploitation de Polyculture Familiale (l'EPF), contrecarre les visées de l’économie libérale et son affirmation mercantile que seulement « ce qui se paie a de la valeur » : or le paysan ne vend pas ses plus belles richesses, il ne participe pas « à la croissance exponentielle – la réalisation de l’absolu économique dans un milieu fini qui est une absurdité » donc il ne produit rien… En conséquence, Il faut le liquider.

Il encourage les politiques à choisir une autre voie que celle de la monoculture, de la concentration, de l’uniformisation, une voie agricole « biologique, écologique, soucieuse de la nature et de l’homme plus que du rendement ». Il propose la variété, la recherche dans les méthodes traditionnelles, le perfectionnement des assolements. Afin que l’"homme retrouve son unité, il doit rompre avec la dichotomie du travail manuel et du travail intellectuel" et réapprendre, par exemple, à cultiver un lopin de terre parallèlement à son activité professionnelle. Et il y a la communion avec la terre, cette union avec le vivant, que l’homme doit rechercher, par l’intermédiaire de ses fruits, « sous les trois espèces du pain, du vin et du fromage ».


"Ce chant de la campagne, le chant des fruits de la terre, portés par un terroir, par le travail des hommes : les fruits unissent les hommes"
Le combat qu’il mène n’a d’autre visée que de sauver l’oekoumène (la partie habitable de la surface terrestre) attaquée par le totalitarisme industriel qui transforme les campagnes en banlieue, en désert, et qui pour se donner bonne conscience, créé des parcs, des espaces naturels d’où l’homme est exclu.
L’essentiel est ailleurs : le problème central est l’homme et en tant « qu’ultime expression de la nature, […], signant la paix avec le cosmos, il décide d’en être le roi et non le pillard ».


Quelle est la seule solution pour maintenir une production élevée sans employer d’engrais et de produits de chimie de synthèse tout en conservant les sols ? « L’assolement et l’association de la polyculture et de l’élevage » qui furent les avancées majeures de la 1ère révolution agricole au XIXème siècle qui eurent pour effet rien moins que la disparition des famines en Europe !

En introduction, celui qui fut l’ami d’Ellul résumait ainsi LE problème de sa génération : « Le passage de la société agro-pastorale à la société industrielle et « urbaine », en affirmant que la survie de l’espèce humaine dépend de la façon dont il sera traité. En épilogue, il n’hésite pas et assure que cette survie prendra les traits d’un affrontement parce qu’elle remet en cause « les principes et les intérêts de la société bourgeoise où nous vivons ». L’homme n’a pas à courir après « L’Eden perdu » mais à lutter et à poursuivre « la vieille bataille de l’homme pour l’homme, sa vie et sa liberté ».

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